BALLAST | L'abécédaire de Walter Benjamin
Sa critique du productivisme, rare dans les rangs communistes de la première moitié du XXe siècle, lui vaut d’être tenu pour un « précurseur » de la décroissance ou de l’écosocialisme1. Le philosophe juif allemand, déchu de sa nationalité par le régime nazi, entendait « organiser le pessimisme2 » : son désir de cheminer, selon ses propres mots, « entre fronde anarchiste et discipline révolutionnaire » fait de lui l’une des figures singulières du marxisme libertaire. Son époque a eu raison de lui — il se suicida en exil après avoir gagné l’Espagne conquise par Franco ; ses écrits résonnent dans la nôtre.
Asocial : « [L]a rébellion de Baudelaire [a] gardé le caractère de l’homme asocial : elle est sans issue. » (Paris, capitale du XIXe siècle, Allia, 2003)
Bakounine : « Depuis Bakounine, l’Europe ne disposait plus d’une idée radicale de la liberté. Les surréalistes ont cette idée. Les premiers, ils se sont débarrassés de l’idéal sclérosé cher aux humanistes libéraux et moralisateurs, car ils savent que la liberté, acquise ici-bas au prix de mille et des plus difficiles renoncements, demande à ce qu’on jouisse d’elle sans restrictions dans le temps où elle est donnée. » (« Le surréalisme, dernier instantané de l’intelligentsia européenne » [1929], Œuvres, tome II, Gallimard, 2000)
Catastrophe : « Que les choses continuent à aller ainsi, voilà la catastrophe. Ce n’est pas ce qui va advenir, mais l’état de choses donné à chaque instant. » (« Zentralpark. Fragments sur Baudelaire » [1938–1939], Charles Baudelaire, un poète lyrique à l’apogée du capitalisme, Payot, 1979)